Un chemin vers le Domaine des Dieux
?
Dans l'espace-temps en grande partie préservé du Nord, les énergies primordiales de création du Monde sont encore sensibles. La puissance de la Nature, les contrastes des Éléments et des saisons rendent visibles certaines des Puissances
qui gouvernent au Cosmos. Cette énergie boréale donne à la tradition nordique et à son langage runique
la faculté de franchir de très anciennes portes
vers les autres mondes, plus ou moins éloignés de celui des humains. Saisir cette relation runique
aux Puissances
n'est pas toujours aisé, mais des ponts anciens et bien conçus existent encore pour qui veut emprunter la Voie Nord.
Cette relation spéciale aux Puissances
infuse l'histoire du Nord, depuis l'Hyperborée
mythique jusqu'à la maîtrise technologique de la Scandinavie comtemporaine. Le tracé d'une route est dévié pour ne pas déranger les Álfes ou les Lanvættír mais les ingénieurs nordiques ont une rare maîtrise des technologies numériques comme celles de la construction. Et malgré toutes les imperfections des sociétés humaines, les pays du Nord restent années après années parmi les états les moins corrompus et où les habitants sont les plus heureux.
Runes
Traditionnellement, une Rune
est une connaissance transmise de nature initiatique, chamanique, parfois sous la forme d'un petit poème, ou d'une formule, écrite justement à l'aide de l'alphabet dit runique
, ou simplement prononcée, ou bien visualisée. Mais n'y a pas toujours équivalence entre une Rune et une lettre runique écrite. Le mot français rune
décrit d'ailleurs plusieurs choses différentes. On retrouve le mot rön en suédois moderne, qui signifie faire l'expérience de
ou rencontrer
. Les Runes s'incarnent.
Futhark
Graphiquement, les 24 signes runiques dits anciens
[0:2] sont assez simples. Elles possèdent souvent des branches qui rappellent l'arboresence végétale ou des positions du corps stylisées. Dans leur utilisation ordinaire, elles peuvent servir d'écriture alphabétique, voir le Futhark
ci-dessous. Ces signes sont utilisés pour composer les mots et les phrases gravées sur les pierres runiques, c'est le modèle alphabétique ordinaire
des runes. Il est fondé sur la découverte de quelques pierres gravées comme la pierre de Klyver ou celle de Vadstena (ci-dessous), dont les inscriptions montrent une séquence complète des signes runiques.
Uthark
Placés dans un autre ordre, nommé Uthark
[0:3] (ci-dessous) ces symboles nous racontent aussi un voyage intérieur [0:4]. Chacune des Runes de l'Uthark correspond à une étape du développement de l'être vers la Complétude, un cheminement qui rappelle ici et là l'ascension de la Kundalinī, la Puissance du Serpent
, dans le yoga traditionnel.[0:5]. Les Runes de l'Uthark ont une polarité
, et représentent symboliquement les Puissances
qui façonnent le Monde.
Les Runes sont à la fois une réalité objective, visuelle, physique, et une réalité subjective, intérieure. Ce sont des éléments qui vont au-delà des Éléments classiques (terre, eau, air, feu, éther), puisque les Runes symbolisent à la fois une relation à la Nature, au Cosmos, et elles contiennent aussi des énergies à la fois sociales et transgénérationnelles : la Rune TYR (ᛏ : assemblée, protection du groupe) et la Rune ODAL (ᛟ : héritage, transmission dans le temps). Les Runes peuvent se combiner entre-elles pour former des motifs dessinés, des sceaux ou sigils, ou bien encore une danse ou une gymnastique incarnée.
Lumière du Nord
La Lumière boréale
éclaire une Nature encore préservée, enchantée, celle de la forêt, des lacs et de la pierre, et celle des contrastes profonds de la Roue de l'Année. Mais c'est aussi une médecine
, une relation particulière à la recherche du bien-être, qu'il soit physique, psychique ou social. Cette immersion physique, mentale et spirituelle, dans l'énergie d'une tradition relativement peu connue, est ce que nous appelons incarner les Runes
, symboles vivants multidimensionnels. Elle donne une force vitale
puissante, elle permet de se retrouver et d'appréhender le Monde autrement, de ressentir une autre manière d'être dans le Monde.
Götiska Förbundet
: un fil d'Ariane suédois
Pehr Henrik Ling (1776-1839), à l'origine d'une grande partie du yoga moderne, est aussi un représentant de la fameuse Götiska Förbundet
, ce qu'on pourrait traduire par Ligue Gothique
. Ce mouvement culturel, particulièrement actif au XIXème siècle en Suède, a compté dans ses rangs de nombreux écrivains, artistes et savants pluri-disciplinaires qui ont beaucoup influencé la vie intellectuelle et politique suédoise mais aussi européenne.
Parmi les précurseurs de la Ligue Gothique, deux grands savants ont été particulièrement influents, le père de la grammaire suédoise Johannes Bureus[0:6] et le biologiste et médecin Olof Rudbeck [0:7], découvreur du système lymphatique, et avocat passionné d'une localisation de l'Atlantide dans la Suède ancienne [0:8] ! Citons aussi Jakob Henrik af Forselles, qui a conduit de nombreuses expériences de géognosie, discipline à l'origine de la géobiologie
contemporaine.
Ce sont aussi ces savants qui remettent à l'honneur l'étude de la mythologie du Nord et de ses textes comme l'Edda. Certains, Johan Gustav Liljegren notamment, se lancent dans l'étude approfondie du système runique et de ses origines. L'esprit de la Ligue Gothique est la recherche d'un certain idéal à la fois de bien-être physique, éthique et spirituel, entre autres à travers un renouveau de la spiritualité nordique traditionnelle, dans un esprit comparable au renouveau du yoga au début du XXème siècle. D'une certaine manière, on pourrait dire que les membres de la Ligue Gothique ont l'ambition de manifester une certaine incarnation des Runes
.
Voies parallèles
Dans nos ateliers, nous établissons toujours une comparaison avec les d'autres philosophies et pratiques, indiennes notamment, car il existe de très nombreux points communs entre les spiritualités indiennes et nordiques. D'ailleurs, une probable influence indo-iranienne via la médiation mithraïque associée au chamanisme boréal font de la pratique runique un voyage à rebours, peut-être même un cheminement vers la Tradition Primodiale ?
- Non-dualisme. Les spiritualités nordiques anciennes et indiennes ne séparent pas le monde extérieur, physique du monde intérieur, psychique. De même, il n'existe pas de principe absolument maléfique mais plutôt certains aspects destructeurs ou obscurs des
Puissances
. - L'énergie subtile Ónd qui infuse le Monde dans la spiritualité nordique est équivalente à l'Ātman de l'hindouisme.
- L'hydromel sacré des anciens Scandinaves, Óðr, qui procure une extase divine, rappelle directement le Sóma de l'Inde ancienne pré-védique.
- Le fameux Óðinn (Odin), le
Père des Dieux
scandinaves, de par ses attributs chamaniques, à la fois lumineux et destructeur, est en résonance avec la divinité indienne cosmique majeure Śiva. - Óðinn reçoit la connaissance des Runes par une épreuve initiatique qui ressemble beaucoup aux
tapas
yogiques des shivaïtes. - Le dieu céleste Thór est analogue en tous points à Indra, le dieu hindou du ciel et du tonerre. Le mot (i)ndra, qui signifie aussi
Seigneur
en sanskrit, se retrouve dans le nom de la posture de torsion Matsyendrāsana, le Seigneur des Poissons. Étrangement, un mythe scandinave raconte que Thór part sur la mer pour allermaîtriser
Jórmungand, le serpent océanique qui enserre le Monde. - Le nom de la Rune ancienne ᛗ, *Mannaz ou MAN, fait directement référence à Mannus, l'humain primordial des anciens peuples germaniques, directement apparenté à Manu, l'humain archétypal de la tradition hindoue.
- La société scandinave ancienne est divisée en
couleurs
qui sont calquées sur les varna (castes anciennes) de l'Inde védique. Ainsi, les Brahmanes indiens correspondent auxMaîtres des Runes
, c'est-à-dire ceux qui ont accès à la Connaissance initiatique.
Le nombre Trois
Le nombre Trois est particulièrement important à la fois chez les anciens Nordiques et dans l'Inde traditionnelle. [0:9]
Dans le Nord ancien, Óðinn (Odin), le Père des Dieux
, est aussi appelé Le Triple
. Les Runes anciennes sont divisées en trois séries. L'Arbre-Monde Yggdrasill comporte trois niveaux de réalité chacun divisé trois domaines. Il est alimenté par trois sources. Le principe de destruction avant re-création est composé de trois entités, Fenris le loup, Hel la gardienne des enfers et Jórmungand le serpent qui entoure le Monde. La division du temps est symbolisé par les trois Nornes, passé, présent et futur. La triquetra (ci-dessus) est un symbole ternaire que l'on trouve sur de nombreux objets du monde nordique ancien.
Dans l'hindouisme, le nombre Trois (Tri) est celui de la Trinité divine : Brahmā, Vishnu et Śiva. La syllabe cosmique AUM
est composée de trois parties : A
pour la création, U
pour l'existence, M
pour la destruction. Dans le Yoga, il existe trois types de respiration. Le nombre traditionnel de répétitions d'une posture dynamique de Yoga est un multiple de trois...
L’époque moderne ne semble avoir retenu que la divination par les Runes. Si les vólva, les femmes-chamanes, des temps anciens avaient certainement des dons oraculaires pour voir
le passé, le présent ou le futur, les Runes ne sont pas un outil primaire de divination. Elles établissent avant tout un lien de nature chamanique
, c'est-à-dire une expérience avec les Autres-mondes, afin d’accomplir une action ou d'acquérir une connaissance. L’usage des Runes est un processus symbolique fondé sur un rituel précis.
Selon la tradition le dessin d'une Rune doit toujours être effacé
après son utilisation. C'est d'ailleurs pourquoi l'incarnation des Runes à travers certains exercices corporels est particulièrement adapté à leur nature de lien éphémère, l'instant igné
entre les Mondes.
Symboles énergétiques
Dans leur forme poétique, les Runes peuvent être dansées, chantées ou vocalisées [1:1], elles accompagnent aussi l'utilisation des tambours chamaniques, à l'image de ceux des Lappons. Les runes gravées sont souvent associées à des personnages, des animaux, à d’autres symboles énergétiques
comme des spirales, des svastikas ou des triquetras.
L’accueil des Runes est un cheminement à la fois physique et spirituel qui s’effectue extérieurement et intérieurement. Comme pour toute médecine
de qualité chamanique, certaines conditions doivent être remplies. Celle ou celui qui accueille la danse des Runes
doit se trouver dans un état de conscience adéquat, le mental doit être aussi silencieux que possible. C’est un état de conscience extatique ou méditatif, comparable à celui procuré par l’Útiseta
, la méditation du Nord (différente d'une simple relaxation).
Le yoga runique contient d'ailleurs des mouvements, de rotation notamment, qui conduisent à cette conscience étendue, auquels on peut ajouter un rythme de tambour chamanique. Les vólva contemporaines racontent parfois que les Runes leur apparaissent comme des symboles décrivant une sorte de danse, formant une sorte de vortex qui rappelle les chakras des spiritualités indiennes.
Tapas et svastikas
Le récit mythologique de l'Edda raconte que le fameux dieu-chamane Óðinn a obtenu la connaissance des Runes dans une posture inversée, pendu par les pieds à un arbre pendant neuf jours et neuf nuits ! Cette union avec la Connaissance, le Monde Divin, obtenue par une forme de sacrifice
ou de discpline physique et mentale est l'essence même de la tradition yogique. La connaissance initiatique des Runes par une épreuve
rappelle directement les tapas
des spiritualités indiennes. Dans le jaïnisme par exemple, le mot tapas signifie une forme d'ascétisme incluant la mortification du corps. [1:2]
On remarque que quatre svastikas décorent le bouddha
de la tombe d'Oseberg, montrant une double symbolique du nombre 4. La svastika est l'énergie solaire ou cosmique en rotation. C'est un symbole ancestral de la danse du Cosmos et de la Vie. Dans les spiritualités indiennes, elle est utilisée comme support visuel à la méditation, ce que semble aussi montrer le bouddha
d'Oseberg.
Le mot svastika vient d’une expression sanskrite qui signifie propice au bien-être
ou bienfaisant
. Dans l’hindouisme, cette croix orientée dans le sens horaire symbolise Surya, le Soleil, la prospérité et la chance. Dans le sens anti-horaire elle porte le nom de sauvastika et elle symbolise la partie nocturne, certains aspects tantriques
, de la déesse Kali. On retrouve aussi une polarité lumineux / nocturne avec les symboles runiques.
En Yoga, une posture assise appelée Svastikāsana est dite de bon augure
. Dans celle-ci, chaque pied est placé autant que possible dans le pli du genou opposé pour former une figure analogue à la svastika.
Rune d'Hospitalité
La tradition nordique enseigne qu'un étranger de passage doit être traité de manière généreuse, de la meilleure manière possible, comme si le voyageur était un dieu Ase déguisé. Le poème du Hávamál donne ainsi quelques règles concrètes à suivre pour accueillir un visiteur : le réchauffer s’il a les genoux gelés
, lui donner nourriture et vêtements, de l’eau et des serviettes, et des paroles de bienvenue. La saga islandaise dite de Bandamanna
suggère même que la générosité et l’hospitalité sont des valeurs considérées supérieures à la prospérité et la puissance pour connaître l’intégrité d’une personne. Un hôte doit cependant recevoir selon ses possibilités économiques. Un seigneurs doit traiter un invité comme lui-même. Un paysan doit offrir ce qui'il peut.
Le récit du Hávamál aurait été composé dans les années 900 en Norvège. Il n'en reste que des fragments qui apparaissent dans le Codex Regius de 1270. Il décrit un certain nombre de règles éthiques pour mener une bonne vie. Dans la dernière partie, dite Récit de Loddfafnes
, il est notamment question des Runes et du dieu Óðinn. Ce dernier apparaît comme un conseiller bienveillant, qui grâce à la connaissance runique, permet de repousser la mauvaise fortune et d'acquérir une félicité durable dans la vie... autrement dit d'acquérir le bien-être grâce à la connaissance des Runes !
huitaines. Chaque Rune est alors associée à une symbolique multidimensionnelle, qui varie un peu suivant les auteurs. Les Runes sont aussi des liens ou des
portesentre deux Mondes (ou niveaux de réalité, de conscience). Chacun de ces niveaux correspond à une couleur symbolique, une Rune est donc associée à deux couleurs. Essayer plus haut le style d'affichage
Couleurs.
Runes anciennes
Les Runes dites anciennes
[2:1] sont sans doute les plus mystérieuses et les plus intéressantes. Les premières traces gravées remontent aux tous premiers siècles de notre ère et leur origine est débattue. Graphiquement, les signes runiques anciens pourraient dériver partiellement d'un alphabet italique comme l'étrusque, même si l'ordre des runes retrouvé sur les pierres n'est pas le même que celui des alphabets italiques.
Quant à l'interprétation symbolique des Runes, une influence mithraïque est possible (via l'empire romain), ce qui supposerait une origine indo-iranienne. La Soleil, la Terre-fertilité, l'Eau sont les élements essentiels à la spiritualité nordique ancienne. Celle-ci a sans doute été influencée par les échanges à l'Âge de Bronze entre la Scandinavie et la Crète puis avec la Grèce mycénienne. [2:2]
Les Runes anciennes et la spiritualité chamanique qui leur est associée sont donc aussi les héritières des pétroglyphes de l'Âge de Bronze que l'on trouve par exemple en abondance sur les côtes suédoises.
Les Runes gravées ou écrites peuvent être interprétées de manière beaucoup plus vaste que la lettre qui leur sont associées. Pour une symbolique plus complète des Runes il nous semble intéressant d’utiliser l’ordre de l’Uthark. Il en existe une interprétation originale développée en particulier par le linguiste suédois Sigurd Agrell dans les années 1920-30, à la même époque que le yoga runique (et le Kundalinī-yoga moderne).
Si la symbolique de l'Uthark pourrait laisser apparaître une influence mithraïque ou orientale [2:4], elle est tout aussi compatible avec le chamanisme boréal [2:5]. Ces correspondances analogiques sont invisibles avec l'ordre alphabétique ordinaire du Futhark. Chaque Rune possède une polarité
symbolique, lumineuse, nocturne ou neutre, selon l'Union des Opposés
, le principe qui crée le Monde, et en accord avec les deux formes de méditation polaire.
Transcription phonétique
efinal en français ne se retranscrivent pas.
j/ge,
ch,
z, n'ont pas d'équivalents directs nordiques. Pour le son
ch, on pourrait utiliser la consonne nordique
sjet former une rune liée avec ᛊ (SOL) et ᛃ (JARA). Le petit tableau ci-dessous donne quelques correspondances entre les sons français sans équivalent direct avec les sons runiques.
changements'écrirait en runes anciennes ᛊᛃ·ᚨ·ᛜ·(ᛊ)ᛃ·ᛗ·ᛖ·ᛜ soit [sj-a-ŋ-(s)j-m-e-ŋ]. Il ne s'agit que d'une transciption approximative et correspond à peu près à la prononciation naturelle des mots français par des locuteurs nordiques (modernes). On se rend rapidement compte que le français est peu adapté à une écriture runique !
Runes scandinaves
Les runes scandinaves sont les signes formant ce qui est appelé aussi le Nouveau Futhark
. Elles ont été utilisées entre le VIIIème siècle et le XIIème siècle, à l'époque Viking et au début du Moyen-Âge, juste avant la christianisation des pays scandinaves. Le Nouveau Futhark
ne contient que 16 runes, huit des runes anciennes ont disparu pour des raisons encore inconnues.
À chacune des 16 runes scandinaves correspond une signification et un petit poème basé sur les sonorités de la vieille langue norroise (voir l'application ci-dessus). Le poème doit s'interpréter aussi de manière symbolique. La traduction française est très approximative et ne peut pas rendre l'univers mental associé aux poèmes runiques.
Les runes scandinaves se divisent en deux groupes : les signes à branches longues (BL), plutôt danoises, et les signes à branches courtes (BC), plutôt suédoises / norvégiennes.
La sagesse populaire suédoise raconte de la même manière que celui qui a dérobé le rouleau contenant les runes d'Oden peut aller voir neuf coudées dans la terre.
[3:2] Les Runes sont une affaire sérieuse !
IX
Neuf est le nombre magique par excellence.
Óðinn se pend à l‘Arbre-monde pendant neuf jours entiers avant de recevoir les Runes et dix-huit (2x9) pouvoirs magiques [3:3].
Le dieu Freyr attend sa bien-aimée la Géante Gerð pendant neuf nuits.
Les grandes cérémonies sacrales de l'Âge de Bronze nordique (comme à Lejre au Danemark ou à Uppsala en Suède) ont lieu tous les neuf ans.
Neuf puits à offrandes se trouvent dans les moulins à fées, les monuments de pierres aux Álfes (Älvkvarn).
Neuf plantes sacrées sont décrites dans le Lacnunga, le Livre des Remèdes, de la tradition anglo-saxonne : armoise, plantain, cardamine hérissée, ortie, pied de coq ou bétoine, camomille maticaire, pomme sauvage, thym ou cerfeuil, fenouil.
L'écrivain norvégien Johan Thuuri raconte que pour la construction d'un tambour chamanique lappon, on utilise neuf morceaux d'une plante secrète nommée Troldkost
.
Anankè : Ce qui doit arriver
Lors des anciennes cérémonies perses de purification, neuf brasiers sont allumés dans la terre. Le nombre neuf se retrouve aussi dans la magie mithraïque et orphique grecque dédiée à Anankè à travers des séries de neuf signes gravés sur des anneaux : ΘΘΘΛΛΛ***, ΝΕΑΠΟΛΕΣ* ou encore ΛΧΟΔΔΔΥΥΥ.
En Inde védique, lors des cérémonies hindoues de l'Initiation (Upanayanam), les garçons portent autour de la taille la ceinture sacrée aux neuf nœuds.
Dans la tradition perse mithraïque, Anankè est la divinité de la Nécessité, la Destinée, ce qui doit arriver. Elle est considérée équivalente à l'Éther et la Nuit (Nyx). C'est la divinité primordiale à l'origine du Monde, qui comporte huit sphères
tandis que Anankè demeure dans la neuvième sphère
, la Nuit primordiale ou l'Éther situé au-delà du monde ordinaire.
Anankè pourrait être le nom grec d'une divinité très ancienne que certains auteurs placent au-dessus et au-delà de l'esprit humain et des divinités ordinaires comme les dieux olympiens. C'est aussi une divinité féminine primordiale qui rapelle la Śakti de l'Inde ancienne.
Dans la mythologie grecque Anankè donne naissance aux trois Moires, qui personnifient la Destinée, qui sont la version grecque des trois Nornes de la mythologie nordique, trois Géantes ont issues des Mondes extérieurs
. Les Nornes gouvernent au destin individuel et sont craintes à la fois des humains et des dieux.
La Rune NAUD ᚾ : Nécessité
La neuvième Rune de l'Uthark, NAUD, Nauð ou Nyd correspond au son n
. Plutôt que d'utiliser le signe latin ou grec correspondant à la lettre N
, les anciens maîtres des Runes ont préféré un symbole mithraïque associé à Anankè. La croix (ᚾ) symbolisant cette rune de la Nécessité apparaît aussi dans la magie mithraïque comme symbole pouvant repousser les démons.
Le nom même de cette Rune de la Nécessité, Nauð, semble bien être un emprunt qui rappelle directement Anankè. [3:4] Pour les érudits depuis le XIXème siècle, cela renforce l'hypothèse d'une origine magico-culturelle commune, indo-européenne, à des traditions éparpillées. La puissante symbolique du nombre Neuf est à la fois très ancienne et marque aussi bien le mithraïsme perse et romain que le monde nordique ancien, celui des monuments de pierres.
Multiples de 9
108
Le nombre 108 (12x9) est sacré dans l'hindousime. Le nombre des serviteurs de Śiva est 108. Certains mantras doivent être récités 108 fois et certains mouvements de purification (Kryas) sont toujours répétés un multiple de neuf, le plus souvent 54 ou 108 fois. Le rosaire sacré de l'hindouisme (Malā) possède 108 perles / chapelets.
Curieusement, le nombre 108 s'écrit 99 (9 + 9x11) en arithmétique de base 11. Le Nombre d'Or (1,61...) est défini par la formule 2 x sin(108°/2).
En astronomie, 108 est le rapport entre la distance Terre - Soleil sur le diamètre du Soleil. C'est aussi le rapport entre la distance Terre - Lune sur la diamètre de la Lune. C'est d'ailleurs ce qui rend possible les éclipses totales de Soleil...
18
Dans le shaktisme indien, il existe 18 lieux sacrés.
Dans la tradition nordique, le nombre 18 (2 x 9) est sacré et dédié à Óðinn (ou Oden / Odin), le Père des Dieux, nommé aussi le Double (et le Triple). Dans le récit de l'Edda, Odin pose 18 questions au Géant Vafþrúðnir (ou Vavtrudne) qui connaît les secrets du Monde. C'est encore Odin qui prononce 18 mots magiques pour guérir le cheval du dieu Baldr. L'association entre le nombre 18 et les formules de guérison se retrouve aussi dans la tradition anglo-saxonne.
La dernière strophe de la saga islandaise Bósi et Herrauds
contient 2 x 18 mots magiques. Il y est question d'un serpent qui a jailli d'un œuf de rapace trouvé par les deux héros. [3:5]
La Rune EH ᛖ : Justice
Selon le modèle de l'Uthark, le dix-huitième signe runique ᛖ, *ïhwaz ou EH, est la Rune d'Odin. Celle-ci est à la fois associée au cheval, animal sacré des Indo-Européens, à la confiance et à la justice.
Un des petit-fils Óðinn est Forseti, divinité germanique de la justice et dont un attribut est le cheval blanc. Selon les germanistes, Forseti pourrait être une évolution tardive du personnage d’Odin. L’Edda en prose raconte d’ailleurs que les dieux chevauchent leur monture pour rendre la justice sous l’Arbre-monde Yggdrasill.
Yggdrasill, l'Arbre-Monde
Le nombre Neuf est peut-être le plus symbolique de la Sagesse Nordique. C’est aussi le nombre de Mondes
émanant d'Yggdrasill, l’Arbre-Cosmos. Traditionnellement, ces Mondes portent un nom issu de la mythologie norroise mais ils correspondent à une réalité énergétique
intemporelle.
Les noms norrois des Neuf Mondes ont deux suffixes qui indiquent leur nature : ceux qui se terminent en -heim, rappellent l'idée de maison, de domaine sans limite définie. Ceux que se terminent en -garð (ou -gard) indiquent une idée d'enclos, de champ, de jardin avec une frontière précise. Seuls le Monde des humains (Miðgarð) et celui des dieux Ases (Ásgarð) demeurent dans un espace-temps limité.
Les Mondes d'Yggdrasill ne sont ni objectifs, ni subjectifs mais représentent à la fois une perception d'une Nature enchantée et des énergies
associées à des états de conscience. On retrouve précisément cette non-séparation dans les cosmogonies indiennes du jaïnisme et de l'hindouisme. Les Runes (anciennes) peuvent aussi être interprétées comme des portes
entre les Mondes.
Échelle d'énergie
Une Rune est aussi une porte
ou une interface entre deux énergies ou états de conscience. Une séquence de Runes peut donc établir un chemin entre deux Mondes, un voyage intérieur entre deux états de conscience ou deux niveaux de réalité. Chaque Monde d'Yggdrasill est associé à une énergie
symbolisée par une couleur. La Lumière du Nord est très colorée !
Yoga runique d'élévation
Huit Runes forment le chemin le plus direct entre l'Obscurité glacée de Niflheim et le Feu primordial de Múspellsheim (ci-dessous). Cette échelle rappelle les degrés de l'ascension de la Kundalinī, le Serpent de Feu du Yoga traditionnel, depuis l'énergie primale latente jusqu'à l'extase ignée énergétique et spirituelle.
Un symbolisme à la fois yogique et mithraïque particulier est une manière de décrire cette élévation
de la conscience à travers ces huit Runes.
Triades
Les Neuf Mondes nordiques sont groupés en trois fois trois triades en fonction de la perception choisie.
Mondes proches
Humains
L'humain ordinaire habitant Miðgarð est placé avec justesse au milieu de l'Arbre du Monde et de l'échelle des énergies. La Rune de l'Humain, MAN (ᛗ) relie Miðgarð avec Svartálfheim, le premier Monde sombre, celui des Álfes noirs, si habiles avec la matière.
Il n'existe pas de Rune reliant le Monde des Humains (Miðgarð) et le Monde des dieux Ases (Ásgarð). C'est aussi ce que dit la mythologie puisque le premier monde divin est gardé par Heimdall et est seulement relié au Monde humain par le pont Bifróst à de très rares moments appelés instants ignés
.
Avec un entraînement approprié, la connaissance des Runes, les humains peuvent acquérir ce que les yogis appellent des siddhis, des pouvoirs surnaturels, et évoluer vers les Mondes lumineux
. Le chaman peut aussi voyager vers les Mondes obscurs
ou extérieurs
et aller y chercher certaines connaissances.
Divinités
Les dieux nordiques classiques appartiennent à deux Mondes différents : celui des Vanes et celui des Ases. Les dieux Ases (ou Æsir) comme Óðinn ou Thór, ne sont peut-être pas les plus nordiques
car ils seraient venus des steppes d'Asie (d'où leur nom), lors des grands bouleversements à la fin de l'Âge de Bronze au second millénaire avant notre ère. Si les dieux Ases sont des divinités douées d’une conscience supérieure à celle de l’être humain, les textes les présentent malgré tout avec des caractéristiques encore humaines. Ils pourraient même être des héros ou bien des chamans avec certains pouvoirs
.
Les divinités Vanes (ou Vanir) comme Freyr, Freyja ou Njórð (une divinité océanique) sont beaucoup plus anciens et associés à la fertilité, la terre et à la lumière. Ils appartiennent à la vieille spiritualité européenne, en relation avec le culte des Grandes Déesses. Les Vanes sont souvent perçus comme plus lumineux
, plus spirituels
que les Ases et moins proches du monde humain ordinaire.
Álfheim, le domaine des Alfes de Lumière, représente à la fois une certaine perception d’une Nature enchantée mais aussi un état de conscience étendu, lumineux, spirituel. Les Álfes quant à eux appartiennent à un autre niveau de réalité, et certains sont même assimilés aux anges par le christianisme. Dans la Scandinavie ancienne, la célébration des Álfes (Álfablót) est peut-être encore plus importante que le culte des dieux ordinaires.
Alfes noirs
Dans les Champs sombres
, de Svartálfheim en deça du monde des humains vivent les Dvergar, nains
ou encore alfes noirs
[4:1]. Les Dvergar gardent l’intérieur des montagnes et des falaises, dont certaines cavités pourraient abriter des portes
entre les mondes.
Les Alfes noirs représentent les forces telluriques cachées, plus ou moins secrètes, qui agissent depuis les profondeurs de la terre / matière. En tant qu’êtres chtoniens, ils sont associés aux mines, au travail du métal, surtout précieux comme l'or et l'argent, mais aussi à la mort.
Helheim
Helheim rappelle le Hadès des Grecs et s’apparente beaucoup à un enfer
(hell en anglais). Il ne s’agit pourtant pas d’un enfer au sens chrétien mais plutôt un endroit de souffrance que l’on retrouve aussi dans les philosophies indiennes. Le domaine de Hel est un endroit froid et sombre qui est la demeure de ceux qui sont morts de maladie ou dans le déshonneur. C’est le monde le plus souterrain des mondes accessibles aux humains.
Helheim est entouré par le fleuve Gjóll (Le Tumultueux) et empêche tout passage. Gjóll prend sa source près de la racine de l’Arbre-Monde dans Niflheim puis traverse le monde des Humains pour finalement entourer Helheim. Il n’existe qu’un seul pont (Gjallarbrú) qui traverse Gjóll, qui est emprunté par tous les trépassés qui doivent aller en Helheim. Une servante de Hel du nom de Móðgunn [4:2] contrôle l’identité de ceux qui franchissent le pont vers Helheim.
Hel, la gardienne de Helheim est décrite comme ayant une apparence à moitié spectrale bleuté et à moitié faite de chair. Elle pourrait être assimilée aux divinités indiennes Kālī, Mahākālī ou même Bhavānī.
Mondes extérieurs
Les Puissances des Mondes extérieurs
n’appartiennent pas l’âme humaine, elles sont des symboles de non-inhumanité, proche du chaos primordial et de la re-création continue du Monde. [4:3] Dans l'échelle des énergies, les trois Mondes extérieurs correspondent au blanc (Múspellsheim), au bleu (Jótunheim) et au noir (Niflheim).
Géants
Les Géants
ou Jótnar (sing. Jótunn) de la mythologie nordique font partie des Puissances dites extérieures
, en dehors du Temps et au-delà du Bien et du Mal. Si les dieux Ases et les humains partagent une certaine nature, les Géants apparaissent très exotiques, souvent maléfiques aux humains. Certains d’entre-eux représentent les forces élémentaires indomptées de la Nature que les dieux ordinaires tentent de combattre mais aussi craignent.
THURS (ᚦ) est la Rune des Géants, elle suit la Rune UR (ᚢ) de l'Énergie primordiale. Les Géants sont la première race issue du chaos du commencement du Monde. Le nom þurs (thurs) trouve son origine dans le mot sanskrit turá qui indique la qualité de force, de puissance, de richesse. On retrouve þurs dans le nom proto-germanique de la Rune des Géants *þurisaz. [4:4]
Source de la Connaissance
Les Géants sont aussi les dépositaires des secrets du Monde
, d’une science ancestrale cachée. Dans le domaine de Jótunheim se trouve Mímisbrunn la source dont l’eau donne sagesse et connaissance. Son gardien est un être appelé Mímir, d’une immense sagesse et dont le nom signifie, celui qui se souvient
. Pour boire cette eau primordiale du savoir, Óðinn (Odin), le Père des Dieux
sacrifiera même un œil à sa source.
Les Nornes
Il existe une autre source située près de la dernière racine de l’Arbre cosmique Yggdrasill. C’est le lieu appelé Urðarbrunn, le Puits de la Destinée
. Trois Gýgjar, femmes Géantes, se trouvent près de ce puits. Elles en tirent l’eau pour nourrir l’Arbre du Monde. Elles sont craintes de tous les êtres, y compris des dieux.
Celles qu’on appelle Nornes ou Nornir (sing. Norn) sont les divinités ou énergies féminines très anciennes responsables des destins individuels des humains. On dit qu’elles visitent un nouveau-né pour déterminer son futur. Leur venue dans le monde ordinaire pourrait traduire l’apparition du Temps dans le processus de création du Monde.
Niflheim
D’après l’Edda, Helheim possède plusieurs niveaux. Il s’étend jusqu’au terrifiant rivage de Nástrónd où les serpents rongent les cadavres. Le plus inférieur des niveaux est Niflhel, l’Enfer des Brumes, c’est le plus proche de Niflheim, le domaine de l’incréé.
Dans le monde des brumes primordiales, de l'obscurité glacée de Niflheim, se trouve Hvergelmir, la source primordiale d’où jaillissent toutes les eaux. C’est une source bouillonnante où des myriades de bulles se forment. Autour de Hvergelmir rampent de nombreux serpents dont Níðhógg, le serpent-dragon qui déjà ronge les racines de l’Arbre-Monde.
Múspellsheim
Múspellsheim, le royaume du Feu primordial, est le premier des mondes extérieurs à apparaître de et dans Ginnungagap, le Canvas cosmique, le second Monde est Niflheim. Bien qu'étant absolument opposés, c'est l'union de ces deux Mondes primordiaux qui est à l'orgine de toute forme existante.
Les textes de l'Edda racontent que dans la région australe
de Ginnungagap, des étincelles rougeoyantes volaient encore de Múspellsheim. Lorsque la chaleur et les étincelles ont rencontré la glace issue de Niflheim, celle-ci a commencé à fondre. Les étincelles allaient alors créer le Soleil, la Lune et les étoiles, et les gouttes de glace fondue formaient l'être primitif Ymir, à l'origine de tous les Géants.
L’étincelle divine des êtres vivants permet une relation directe avec les Puissances des mondes visibles et invisibles. Les anciens nordiques parlent de neuf types de corps
, ou d'âmes, de nature physique, psychique et plus subtile. Ces niveaux d’existence superposés que procurent ces corps et âmes permettent de mieux comprendre le rapport traditionnel au Monde, l’organisation sociale mais aussi un rapport assez détendu à la mort.
Selon la classe sociale de la personne, certaines de ces âmes seront plus ou moins chargés d’énergie. Par exemple, le guerrier développe son corps physique (Líki [5:1]) et quelques autres des corps subtils selon sa personnalité et son rang. Le scalde possède une mémoire ancestrale (Minni) chargée d’énergie.
Être à l’extérieur
, est un type de méditation contemplative, chamanique, qui s’effectue la nuit mais aussi dans la forêt, sur un tertre funéraire, sur des rochers ou sur une colline sous le le ciel. Cette méditation est une forme de puissance de l’extase devant le numineux, la magie naturelle du monde. Pour acquérir la vision
, l’esprit du chaman voyage dans des mondes extérieurs au monde ordinaire : le royaume des morts, des esprits, des Álfes ou même des Dieux. Cette forme de méditation, appelée souvent Útiseta
, apparaît dans la littérature islandaise mais on la retrouve aussi dans la Vision Quest des amérindiens ou chez les Inuits.
Choisir le lieu
Le lieu pour l’Útiseta doit être choisi avec grand soin pour son aura, sa charge énergétique, en évitant toute perturbation d’origine humaine. Un lieu naturel protégé, par la pierre et les arbres, près d’une source ou une cascade est en adéquation parfaite avec cette connexion. [6:1] Si on procède en intérieur, un endroit dédié, bien décoré et consacré peut convenir. Le lieu doit être en cohérence avec la forme de méditation. Deux qualités, dites nocturne
et lumineuse
, peuvent donner une première orientation pour le choix du lieu.
nocturnes
Ces lieux ne sont ici aucunement négatifs, ils sont ressentis comme étranges, nocturnes, voir même angoissants mais aussi excitants. Il en émane simultanément une certaine puissance.
Ressenti : inconfort, angoisses, menaces, puissance, forme d’extase.
lumineux
Ressenti : apaisement, sécurité, tranquillité, harmonie, paix intérieure.
Quelque soit leur qualité, nocturne
ou lumineuse
, si le lieu est bien choisi, il sera propice à l'accueil des Runes. Celles-ci possèdent leur propre polarité
et s'accordent plus facilement à certains types de lieux. Par exemple, la Rune UR (ᚢ), l'énergie primale, est en résonance avec les lieux nocturnes et chauds, influencés par l'énergie volcanique comme les geysers ou les sources chaudes chargées en minéraux soufrés. En yoga tantrique, on pourrait dire que la Rune UR possède une certaine affinité énergétique avec le yantra [6:2] de la déesse hindoue Kali.
Les contraires sont complémentaires
Une forêt est à la fois nocturne
et lumineuse
. D’une autre manière, une hauteur rocheuse de montagne est un lieu tellurique à la fois nocturne
et lumineux
. De nombreux lieux sont une alchimie des opposés polaires. Le ressenti possède toujours une part subjective qui varie avec l’histoire individuelle et collective.
L'union entre la chaleur du sauna (ou de la hutte de sudation) et du bain froid est une dimension essentielle du bien-être. La méditation de l'Útiseta est une manière d'explorer une autre dimension polaire
à travers la qualité lumineuse
d'un lieu.
Lumineux | ||
Froid | Chaud | |
Nocturne |
Terre = froid-nocturne,
Eau = chaud-nocturne,
Air = froid-lumineux,
Feu = chaud-lumineux.
Union des Opposés
Le principe de polarité des Runes et de l'Útiseta se rencontre aussi au cœur des spiritualités indiennes anciennes, dans le tantrisme notamment, ou à travers les deux sens de rotation de la svastika. En Inde, les noms multiples des divinités reflètent aussi cette complémentarité : la divinité yogique principale Śiva et sa consort Pārvatī deviennent dans leur aspect nocturne Rudra et Kali-Durgā.[6:3]
L'union des opposés / pôles apparaît notamment sur la blason de l'immense physicien danois Niels Bohr sous forme de la devise latine CONTRARIA SUNT COMPLEMENTIA (Les contraires sont complémentaires). Ce qui est aussi un des fondements philosophiques de la physique quantique.
L'historien Mircea Eliade explique que cette coïncidence des opposés
exprimerait un souhait profond de retrouver l’unité perdue du paradis de l’Âge d’Or, à travers une réconciliation des contraires et de l’unification de la diversité. C'est précisément la Voie du Yoga.
La Voie Nord est un passage parfois difficile où des ravins profonds et escarpés attendent même le chercheur émérite s’il a été mal-r/enseigné. Les Runes sont des puissances paradoxales. Elles possèdent un immense pouvoir : celui de protéger et celui de se protéger. Les cataclysmes politiques et spirituels de l’Europe du XXe siècle illustrent la chute dans l’abysse de l’inversion de l’esprit originel. Le poème scandinave Le Chant de la Valkyrie nous enseigne que les Runes se dévoilent et agissent seulement si elles sont effacées
. Plus elles sont étudiées ou bien plus elles sont utilisées pour simplement deviner
, plus elles tendent à voiler le chemin vers le Soleil boréal. C’est sans doute là l’enseignement le plus profond de l’auto-sacrifice d’Odin.
Suggestions bibliographiques
Si les Runes s'incarnent et ne peuvent s'apprendre dans les livres, ceux-ci demeurent des guides inestimables pour commencer le cheminement runique. Nous proposons ici quelques ouvrages que nous connaissons bien, d'auteurs historiques ou reconnus qui sont des références pour le celui qui veut s'aventurer sur la Voie Nord.
En français
Les livres runiques en français sont malheureusement quasi-inexistants, peut-être à cause de la distance culturelle. Soit ils sont complètement hors sujet et mélangent new age, signes runiques, divination et psychologie[7:1], soit ce sont des approches technocratiques et stériles comme certains universitaires français en sont malheureusement coutumiers. Nous avons quand même essayé de trouver quelques idées de lecture en français qui respectent la tradition runique et/ou nordique.[7:2]
Ouvrages essentiels
Il existe des ouvrages scandinaves ou anglo-saxons incontournables et parfois surprenant pour se faire une idée appronfondie sur la tradition runique ou nordique, pour comprendre les Runes avant d'en incarner les vertus. La liste est évidemment bien loin d'être exhaustive, mais les titres suivants procurent une certaine fondation pour cheminer sur les voies escarpées de l'esprit des Atlantes du Nord
.[7:3]
Kabbale gothique
Les Runes sont avant tout des vertus, des qualités morales et spirituelles.
La nature des Runes commence à se dévoiler dans le poème du Hávamál et les dix-huit Runes d'Odin, mais aussi à travers l'école suédoise dite gothique
, qui débute sérieusement dans les années 1600 avec l’érudit et grammairien Johannes Bureus (1568-1652). Pour le savant suédois, la séquence des symboles runiques représente un processus alchimique de transmutation de l’âme, ce qu'il nomme la Kabbale gothique
. Bureus qualifie de Runes nobles
(Adelrunor en suédois), les signes runiques correspondant aux portes
ou étapes de ce parcours initiatique.
Les Runes selon Bureus possèdent donc deux lectures, une première qu’il appelle Runa est une lecture littérale, c’est celle de l'épigraphie et de l’archéologie. Une seconde lecture est spirituelle, les symboles runiques sont ceux de la Kabbale gothique
, l’Adelruna, qui permet d’accéder à une connaissance supérieure.
Futhor
Dans deux ouvrages importants : Runa ABC Boken (Le Livre de l’Alphabet runique) et Den svenskan ABC boken (Le Livre alphabétique suédois), Bureus construit un système élaboré comportant 15 Runes nobles
divisées en trois séries de cinq. Chacune des Adelrunor correspond à un lieu
dans le Cosmos, ou une divinité, mais aussi une étape dans l’ascension de l’âme humaine. Cette correspondance entre le macrocosme du monde et et le microcosme humain est aussi au fondement de la philosophie des alchimistes de la Renaissance, et de la spiritualité indienne.
Les signes graphiques associés aux Runes nobles sont dérivés des runes scandinaves (le Nouveau Futhark). Le système de Bureus utilise une construction gématrique dans laquelle chacune des Runes nobles est associée à un chiffre impair multiplié par 1, 10 ou 100. Elles peuvent se lier entre elles et se superposer pour former des figures symboliques ou des sceaux.
Chacune des trois séries de cinq représente un élément d’un processus symbolique de naissance (ou de renaissance) :
- Ce qui donne naissance. FUTHOR, le nom des cinq premières runes est un jeu de sonorités rappelant le mot suédois födare, le Géniteur (non-genré en suédois) ou encore l'humain primordial.
- la Naissance elle-même;
- et ce qui naît, le Fœtus
Géométries sacrées
Les Runes nobles sont aussi représentées dans une triple géométrie sacrée : une croix, une pierre couchée et une pierre cubique qui tombe du ciel. Le sommet de la croix est la rune Thors, le dieu Thor dans le sens donné à celui-ci par Bureus. Il s’agit plutôt d’un Thor primordial à l’origine de la Connaissance sacrée, une divinité céleste analogue à Vishnu de la tradition védique.
Pour Bureus, l’Arbre-monde Yggdrasil est d’ailleurs équivalent à la croix reliant la Terre au Ciel sur tous les plans. En Europe du Nord, les pierres tombées du ciel sont toujours associées à Thor. Elles ne sont pas des pierres
à proprement parler mais un outil de transmutation et de protection à l’image du marteau
de Thor.[8:2] Certaines légendes du Danemark et du sud de l’Angleterre racontent que durant des orages, le dieu Thor fait tomber sur la terre des oursins fossiles et des haches. Les fossiles sont conservés soigneusement par les paysans et placés près des portes et des fenêtres pour protéger la maison des influences maléfiques.
Les sept runes de l’axe vertical de la croix représentent les opérations du Grand Œuvre alchimique, inspiré par Paracelse, qui produisent simultanément une élévation de l’âme humaine. Ce processus de transmutation de l’humain se retrouve dans l’Alchimie de la Renaissance à travers l’expression la Montagne de l’Adepte
.[8:3] L'ascension de cette montagne
commence avec le Rune Byrghal, la matière la plus sombre et le sommet est atteint avec la Rune Thors, la lumière divine. Un tel processus alchimique
se retouve aussi bien avec les Runes anciennes dans l'ordre de l'Uthark, en Kundalinī yoga ou la cosmologie jaïna. Tous ces différents chemins de libération
suggèrent une analogie profonde dans entre les Runes et le Yoga.
À suivre...